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L’interview complète d’Alexandre Ferrer !

Avec la création de Ferrer Racing, société de distribution multicarte, Alexandre Ferrer met un terme à sa carrière sportive à haut niveau, sans toutefois délaisser les zones du France puisqu’il officiera comme team manager du team Montesa et pilote Elite à ses heures perdues. Un changement de casquette qui exigeait qu’on lui tende le micro.

 

Alors, tu te lances dans l’entreprenariat ?

 

Alexandre Ferrer :

 

Oui et non. Dans ma carrière, j’ai toujours été auto-entrepreneur ou prestataire. Maintenant, oui, j’arrête ma carrière sportive. Ma reconversion me trottait dans la tête depuis 5-6 ans. Voire plus même car lorsque tu es sportif, tu es toujours un peu sur la sellette, notamment avec les blessures. Bref, la question de ma reconversion m’a toujours obsédé, voire stressé. Piloter était mon rêve, mais ça a toujours été avec une épée de Damoclès au-dessus de la tête. Au début, j’avais dans l’idée d’ouvrir une école de trial, mais bosser pour TRRS m’a fait changer mes plans. J’ai pu me former à la vente avec Philippe (NDR, Berlatier) et ça a été une révélation. Si j’ai passé un Bac Pro en Maintenance industrielle, je n’ai jamais projeté d’en faire mon métier alors que la vente m’a plu d’emblée. Au point où j’ai décidé de créer une société de distribution, Ferrer Racing. Philippe, lorsque je lui ai annoncé mon projet, m’a proposé de reprendre TRRS lors de son départ à la retraite, dans 5-6 ans, mais j’ai préféré me lancer de suite et créer ma propre structure. Surtout que je ne me voyais pas faire quotidiennement des allers-retours jusqu’à Toulon. C’est le grand saut et je ressens la même chose que lorsque j’ai décidé d’arrêter mes études pour faire carrière à haut niveau. Je ne sais pas où ça va aller, mais en travaillant, je vais y arriver.

 

On peut en savoir plus sur cette activité commerciale?

 

Alexandre Ferrer :

 

Je vais distribuer des produits S3, les lubrifiant Nils, les mini-motos Mecatecno, les remorques Castillo et sans doute une marque de moto dont je dois encore taire le nom… J’ai commencé à travailler de chez moi, mais fin 2022-début 2023, je m’installerai au domaine de Saint- Savournin dans un local prêté de 250m2. Ça me permettra de monter une petite école de trial. Une première car plus tard, je souhaiterais en lancer une autre vers Aix-en-Provence, dans un domaine familial de 32 hectares. Je pourrais disposer de 5 hectares pour lancer une autre structure éducative. Clairement, si mon activité commerciale doit me permettre de vivre, je veux aussi agir pour développer mon sport.

 

Ça n’est pas effrayant de prendre sa retraite sportive?

 

Alexandre ferrer

 

Alexandre Ferrer :

 

En fait, tout dépend de la personnalité de chacun. J’ai eu la chance d’avoir des parents, une famille qui m’ont inculqué des valeurs et entrer dans la vie active ne m’effraie pas. J’en avais honte, mais je peux aujourd’hui l’avouer, pendant ma carrière sportive, j’étais salarié de la société de nettoyage de ma mère et il m’arrivait d’aller nettoyer des vitres le lendemain des compétitions, même après une épreuve de Mondial. Ça m’a servi car j’ai appris la valeur des choses. C’était une belle école et ça m’a renforcé. Mon caractère a toujours été de construire l’avenir, donc, pour répondre à ta question, pas vraiment.

 

On parvient à être à l’aise financièrement après une carrière comme la tienne ?

 

Alexandre Ferrer :

 

Il me tient à cœur de répondre à cette question car toute ma car- rière, j’ai entendu dire qu’on ne pouvait pas vivre du trial, qu’on était condamné à rester smicard. Mais si l’on fait les choses intelligemment, même sans avoir intégré le top 5 mondial, on peut bien vivre. J’ai une maison, des appartements, un tractopelle, un parc de motos, je m’en sors! Aujourd’hui, on a tendance à dissuader les jeunes de pratiquer le trial, mais mon discours est à l’opposé de cela: on peut s’en sortir si l’on en fait intelligemment, correctement, sans même signer des contrats de malade. En plus, on a vécu une passion, un rêve et ça, ça vaut cher.

 

«Aujourd’hui, on a tendance à dissuader les jeunes de pratiquer le trial, mais mon discours est à l’opposé de cela: on peut s’en sortir si l’on en fait intelligemment»

 

Un bilan de ta carrière ?

 

Alexandre Ferrer :

 

Je le dis avec beaucoup d’émotion, j’ai commencé la compétition très tard, à 16 ans, ce qui m’a fait craindre de rater mon rêve de faire carrière, mais j’ai prouvé que grâce au travail, il était possible de progres- ser et de grimper les échelons. Après, cela a aussi été possible grâce à l’aide de personnes qui ont cru en moi et m’ont aidé. Sans elles, je n’en serais pas là. Impossible de toutes les citer, mais je pense à elles. Je n’ai pas été champion du monde, je n’ai pas intégré le top 3 mondial, mais j’ai battu des pilotes comme Toni Bou, Adam Raga sur des coups d’éclat lors d’épreuves comme Carpentras, Cahors. Ça fait de moi un homme heureux, je suis fier de ma carrière et je ne regrette rien. J’ai tout donné et sacrifié, mais ça valait le coup. Même en évoluant de façon autonome par rapport à certains de mes concurrents, épaulés par trois mécaniciens, trois suiveurs, j’ai atteint un bon niveau.

 

Pas le moindre petit regret ?

 

Alexandre Ferrer :

 

C’est vrai que le jour où j’ai scoré une 7e place finale, en 2015, j’au- rais aimé finir à la 6e, mais ce n’est pas un regret. T’es toujours tenté d’en vouloir plus. Clairement, quand je vois le matériel que j’avais, mes moyens financiers, mon encadrement, je suis fier de mes résultats. Je n’aurais pas pu donner plus que ce que j’ai donné. On continuera quand même à te voir sur le France en tant que pilote et manager du team Montesa, quels seront tes objectifs? J’ai toujours roulé sur un 2T et on m’avait alerté sur le passage en 4T, ce qui m’avait rendu un poil anxieux au moment de tester la Montesa, mais c’est la première moto sur laquelle je me suis senti parfaitement à l’aise sans rien toucher. Je n’ai même pas réglé un levier ! J’ai l’impression d’avoir toujours roulé avec cette machine et je prends énormément de plaisir à son guidon. Je réussis même des gestes que j’avais du mal à réaliser avec mes anciennes machines. Impossible de prédire mes résultats, j’aurais 10, 20, 30 fois moins d’entraînement, mais si je peux performer, je ne m’en priverai pas. Je sais que le plaisir sera là. Le seul truc qui m’inquiète un peu, c’est la prise de risque indispensable en Elite. Etant moins bien préparé, je devrai rendre la main quand je ne le sentirai pas.

 

Tu disposeras d’une moto standard ou préparée?

 

Alexandre Ferrer :

 

Elle ne sera pas standard, mais les évolutions seront limitées: un peu de travail sur les suspensions et un embrayage plus franc. Mais ça suffira. Je sais que le service course Montesa a un peu travaillé sur ma machine, mais sans savoir précisément sur quel point.

 

Ça fait quoi d’être intégré à l’équipe Montesa?

 

Alexandre Ferrer et son équipe
Alexandre Ferrer chez Montesa

Alexandre Ferrer :

 

Ça impressionne. Ils sont si professionnels, tellement à mon écoute que ça m’a permis de comprendre pourquoi ils étaient si forts. C’est bluffant. Je ne suis pas un pion, je suis écouté. Ils me considèrent comme les autres pilotes officiels. Il n’y en a pas que pour une personne, ce que je ressentais chez certaines de mes marques précédentes. On a découvert ton team fin mars au Domaine Saint-Savournin. On a retrouvé pas mal de tes anciens amis… Ce team, c’est l’opportunité de faire une saison avec toutes les personnes qui m’ont épaulé dans ma carrière et de les remercier. On va vivre une saison formidable côte-à-côte. Je m’en fous un peu des résultats, ils viendront s’ils se sentent bien. Mais surtout, je voulais passer du bon temps avec des gens qui ont contribué à ma réussite.

 

«Les gamins doivent avoir des étoiles dans les yeux sur le championnat de France et travailler pour progresser dans la hiérarchie, atteindre des objectifs»

 

Quel est ton regard sur le championnat de France aujourd’hui?

 

Alexandre Ferrer :

 

Il faut donner envie aux jeunes de pratiquer notre sport, comme je l’ai vécu moi. Le championnat de France doit faire rêver. Les gamins doivent avoir des étoiles dans les yeux et travailler pour progresser dans la hiérarchie, atteindre des objectifs. Ça s’est perdu. A travers mon team, structuré de façon professionnelle, je veux leur donner envie de se battre pour du résultat. Je voudrais être clairement une locomotive.

 

Tu en penses quoi du plus haut niveau aujourd’hui ?

 

Alexandre Ferrer :

 

Le manque de renouvellement ne tue-t-il pas le trial mondial? J’ai l’impression d’avoir vécu les moments les plus extraordinaires du trial mondial. J’ai dû me battre contre des Cabestany, Raga, Fujinami, Fajardo, Dabill. J’avais beaucoup de grands en face de moi. Et j’ai presque réussi à me faufiler entre eux. J’ai la sensation que la FIM a compris qu’elle était allée trop loin dans l’élitisme et qu’elle souhaite ouvrir l’éventail pour intégrer davantage de nations et de pilotes. Dans les années à venir, il y aura des opportunités à saisir pour les Français et ils doivent s’ préparer dès à présent.

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