Retour au bercail pour le numéro 1 français. En 2023 et 2024, Benoît Bincaz roulera Sherco, l’usine qui l’a vu grimper les charts mondiaux. Un come-back que le Varois espère salvateur, lui qui est passé tout près d’une retraite anticipée pour des problèmes de dos et qui peine à retrouver son niveau d’avant-blessure.
Tu ne te bourres pas de cachetons ?
Non, je n’en prends plus. La première année, lorsque les douleurs se sont déclarées, je prenais souvent des anti-inflammatoires, mais désormais, c’est fini. Avec juste une heure de stretching le matin et une heure et demie le soir, plus du renforcement musculaire, ça tient.
On a la sensation que tu as eu du mal à retrouver ton niveau, celui que tu avais sur la Beta…
Le problème vient de mes concurrents, ils ne m’ont pas attendu pour progresser. Car j’ai été longtemps sur la touche. Il faut se rappeler qu’avant cette blessure au dos qui m’a gêné en 2021, je m’étais cassé le coude lors du GP d’Espagne 2020, puis la main le jour même de ma reprise. J’ai été presque un an sans pouvoir vraiment faire de la moto.
Les autres ont progressé alors que tu stagnais ?
Alors que je régressais ! Avant d’arrêter, j’étais au niveau de Gelabert ou Marcelli, mais à mon retour, il y avait un gap entre eux et moi. Et depuis, j’ai du mal à les recoller.
Cette année, tu n’as pas atteint tes objectifs ?
Non. En extérieur, j’étais parti pour un top 7 et en indoor, je voulais rester sur ma position des années précédentes, soit une quatrième place en signant si possible quelques podiums.
C’est ce que tu avais promis à GASGAS ?
Non, ce que je m’étais dit. La GAS est une moto qui m’a toujours fait rêver, depuis mon plus jeune âge. J’ai roulé sur des petites cylindrées, des 80 et 125, mais jamais sur une grosse et ma signature chez eux comptait beaucoup. C’était une progression. Outre la moto, on connaît la puissance de feu de la marque, son professionnalisme, ses moyens de communication… Mais voilà, ça s’est terminé au bout d’une année. J’aurais souhaité un contrat de deux ans lors de la signature, mais ils n’étaient pas très confiants sur l’état de mon dos et ça explique qu’ils ont attendu avant de le formaliser jusqu’à début 2022. Il faut se rappeler que je reprenais tout juste et que mes résultats étaient mitigés. Le contrat prévoyait que l’on pourrait continuer une année supplémentaire, mais vu mes résultats, ça ne l’a pas fait même si je pense avoir progressé durant la saison. J’ai commencé autour de la dix ou douzième place avant de remonter vers la huitième, jusqu’au dernier GP en Italie où mon dos s’est bloqué et où je n’ai pas pu rouler.
On t’a quand même vu titiller Jeroni Fajardo sur le France…
Oui, même s’il a souvent remporté les épreuves au final. Mais j’ai gagné à Châteauneuf, ce qui m’a fait beaucoup de bien mentalement car il a signé de belles choses en Mondial. Après, ça m’a bien servi de rouler contre lui sur le France car cela m’a forcé à tout donner à chaque fois. C’était un excellent entraînement.
Mais ils t’ont signifié ta fin de contrat ?
Non, pas vraiment. Après le Trial des Nations, ils m’ont annoncé qu’ils souhaitaient me voir en Trial2 en 2023, ce dont je n’avais pas envie… Ça a été un coup derrière la tête. Mais je leur ai quand même demandé de me laisser le temps de la réflexion car encore une fois, on ne quitte pas GASGAS sans réfléchir, surtout que leur proposition était financièrement intéressante. Finalement, j’ai décliné leur offre car à 26 ans, je pense être encore capable de progresser et d’aller au bout de mes ambitions sportives. Leur projet n’était pas celui pour lequel je m’entraîne tous les jours.
Ça s’est passé comment, la cohabitation avec cette nouvelle équipe ?
Pas mal. Je me suis bien entendu avec les mécanos que je connaissais déjà, et le manager, Alberto Cabestany, un homme d’une très grande expérience. Il m’a bien épaulé pendant les entraînements et ça m’a servi. Sur les courses, comme tout le monde, il a des qualités et des défauts, mais globalement, ça reste une année positive pour moi.
J’ai entendu dire que tu avais un petit peu de mal avec la moto…
Il est vrai qu’on a dû changer de moto en pleine saison. On a touché la nouvelle TXT deux semaines avant l’ouverture du Mondial et sachant qu’elle a un châssis totalement différent, ce n’était pas simple de se familiariser avec ses réactions. Il a fallu faire pas mal d’heures pour s’y habituer au maximum, mais ce n’est jamais assez. Après, ça reste une super machine avec de grandes qualités et des petits défauts, mais comme toutes les autres.
Il paraît que tu étais à deux doigts de signer chez Vertigo, mais c’est finalement Sherco qui a eu ta préférence…
C’est vrai qu’il était question que je signe avec Vertigo, mais au final, ça ne s’est pas fait. J’ai eu envie d’être sur une moto française et dans une équipe que je connais bien puisque j’ai roulé pour la Sherco Academy de 2011 à 2015, puis chez Scorpa en tant que pro de 2015 à fin 2018. Et puis c’est vrai que l’arrivée d’une nouvelle moto était aussi un défi intéressant. Je connaissais très bien l’ancienne, j’en avais fait le tour et rouler sur une toute nouvelle machine, ça avait un côté super excitant.
Quelles furent tes premières sensations à son guidon ?
C’est une moto très facile, de par sa légèreté déjà. Sa maniabilité est vraiment étonnante par rapport à la GASGAS. Quant au moteur, il a un gros potentiel, surtout avec l’injection qui offre pas mal de possibilités. Maintenant, il reste pas mal de travail avec le service compétition, situé en Catalogne, pour développer cette machine. Jusque-là, je n’ai roulé qu’avec un modèle de série. Je dois aussi peaufiner les réglages propres à ma morphologie : relever les pontets, reculer les repose-pieds, toutes ces petites choses qui te permettent de te sentir en osmose avec ta machine.
Tes objectifs pour 2023 ?
Champion de France, déjà ! C’est important pour Sherco et son Academy qui me soutient. La France représente une grosse part de marché. En championnat du monde, je souhaite revenir dans le top 7 et en X-Trial, intégrer le top 5 avec des podiums à la clef.
Vous serez suffisamment d’inters l’année prochaine pour valider le titre ?
Oui, entre Alex (Ferrer), Hugo (Dufrese), Loris (Gubian), Gaël (Chatagno), Benoît (Dagnicourt) et moi, ça ira.
T’as un avis sur le manque de relève en France ?
Les jeunes ne se rendent pas compte des efforts à produire pour devenir bon. Je l’ai compris lors des stages où je les croise. Quand je leur demande ce qu’ils veulent faire dans le trial, au mieux, ils répondent vouloir devenir un bon S1. Ce qui me coupe un peu les pattes, j’avoue. J’aimerais tellement entendre un gamin me dire, même si c’est prétentieux, qu’il veut être champion du monde !
Ce n’est pas un manque d’argent dans le milieu ?
Non, il y a toujours quelque chose à gagner en trial. Il faut arrêter de rabâcher qu’il n’y a plus rien à gagner dans ce sport. Si t’es bon, tu gagneras ta vie. Comme dans toutes les disciplines. Selon moi, on n’est pas à plaindre dans le trial. Toni Bou a gagné des millions d’euros, peu de sportifs sont dans son cas. Personnellement, je gagne aussi ma vie. J’ai payé ma maison et j’en suis fier. Pour vivre du trial, il faut juste avoir envie d’y arriver, de s’entraîner, de passer des heures sur le terrain.
Le championnat du monde de trial va bien ?
Il y aurait beaucoup à faire au niveau de l’organisation pour rendre le sport ludique et fun. La façon de faire vivre l’événement n’est pas bonne. Il faut le rendre plus vivant. Les gens ne viennent pas voir un trial, mais un événement. Je prends souvent en comparaison la descente VTT parce que j’aime bien cette discipline. On a tout à apprendre d’elle. Les sportifs sont fun, cool. L’ambiance sur les compétitions est sympa, festive. Les gens ne viennent pas voir une course de vélo, mais vivre une ambiance. T’as envie d’en être, c’est ce qui nous manque dans le trial.
Et sportivement parlant, le règne de Toni Bou n’est pas un souci ?
Non, Toni est une star. Et il a plein d’idées. Ce n’est pas quelqu’un qui reste dans sa routine. On le voit sur ses réseaux sociaux, il va essayer de faire du trial avec une enduro, avec un trail, il a signé des 180, bientôt des 720… Il a toujours ce côté fun et cette envie d’innover, de faire progresser la discipline. Il est bénéfique pour le trial. Après, il est vrai que pour l’intérêt de la compétition pure, il n’y en a plus beaucoup forcément parce qu’à la fin, c’est toujours lui qui gagne…
Retrouvez l’interview complète de Benoît Bincaz dans Trial Magazine numéro 107.