Un pilote sur deux roule avec des suspensions mal réglées
Un pilote sur deux roule avec des suspensions mal réglées ou mal entretenues, observent de nombreux professionnels du trial. Vous qui lisez ces lignes possédez sûrement une monture réglée aux petits oignons, n’est-ce pas ? Si toutefois vous n’êtes pas certain de vos connaissances mécaniques, suivez Jeannot Ehrhart, qui nous rappelle ici quelques fondamentaux à respecter pour rouler sur du velours.
Propos recueillis par Philippe Pilat
Les petites annonces regorgent de motos toutes plus séduisantes les unes que les autres souvent qualifiées de préparées : kit moteur, culasse à dôme interchangeable, échappement titane, disques pétales, pièces anodisées à tous les étages, rien n’est trop beau ni trop performant même pour le plus modeste Senior 4 ! Mais une fois en zone, la huitième merveille du monde se révèle souvent pataude ou instable, voire inconduisible du fait de suspensions soit mal entretenues, soit totalement inadaptées à la pratique de son nouveau propriétaire… déjà déçu et bientôt dégoûté… De passage à Ancelle (05), sur le magnifique terrain de l’école de pilotage bien connue, nous sommes passés voir l’ami Ehrhart, fin metteur au point devant l’Éternel et responsable technique des motos de la Sherco Academy : voici donc ses précieux conseils !
Que faut-il vérifier lors de l’achat d’une moto neuve ?
En premier lieu, je pose la moto sur un trépied afin que les roues ne soient plus en contact avec le sol et je
fais s’échapper l’air éventuellement contenu dans la fourche en ouvrant la vis de purge située au sommet du tube. Ensuite, j’applique un spray au Téflon sur les joints spi et les tubes plongeurs afin que le coulissement se fasse bien, pour le cas où la moto aurait été stockée depuis longtemps. Concernant le combiné arrière, comme pour l’avant, je contrôle juste le bon serrage de la boulonnerie. Je ne touche pas aux réglages standards effectués à l’usine tant que la moto n’est pas rodée : il faut compter environ une dizaine d’heures de trial ou une quinzaine d’usage rando. C’est le délai nécessaire à ce que toutes les pièces se mettent en place.
Quand le client me rapporte ensuite sa moto pour la première révision, je procède à différentes interventions et mises au point, en tenant compte notamment de son poids. Il faut savoir qu’en usine, les motos sont préréglées pour un pilote pesant entre 60 et 75 kg, selon les marques. Donc j’assouplis ou raffermis les suspensions en fonction de la corpulence de mon client, en agissant sur la vis de réglage de précontrainte située sur le bouchon de fourche. Je vidange systématiquement la fourche, dont l’huile est déjà bien chargée en minuscules particules métalliques provenant du rodage. À l’arrière, toujours par rapport au poids du pilote, j’ajuste la précharge du ressort en resserrant l’écrou/contre-écrou sur la partie filetée du corps d’amortisseur quand la personne pèse plus de 75 kg, ou en le desserrant s’il est en dessous de ce poids. J’ajuste la vis de détente hydraulique en fonction du goût du client selon qu’il préfère une moto plutôt réactive ou plutôt stable. Et, bien sûr, je vérifie les serrages et l’absence de jeux dans les biellettes de suspension arrière.
cartouche correspond théoriquement (sauf grosse fuite soignée tardivement !) à la capacité de chaque bras figurant dans le manuel d’entretien.
SUSPENSION ARRIÈRE
Vérifications de base
Sur toutes les motos d’occasion que je vends, je vérifie le combiné arrière afin de contrôler qu’il n’y a notamment aucune fuite d’huile : si la tige ou le corps d’amortisseur est gras, très mauvaise nouvelle ! En effet sur l’immense majorité des motos de trial, à part celles équipées en première monte d’Ölhins, les combinés arrière sont sertis et non-reconditionnables. Même si la fuite n’est due qu’à un joint à deux euros, l’amorto est bon pour la poubelle et son remplaçant vaut entre 300 et 800 €… Je vérifie également que le tampon de butée n’est pas coupé ou écrasé, puis je contrôle les biellettes de suspensions : elles ne doivent pas avoir été déformées par des chocs sur les rochers. En cas de jeu de fonctionnement, je change les bagues ou les roulements à aiguilles, voire les axes eux-mêmes et je remonte tout à neuf en bourrant toutes les articulations de graisse, c’est obligatoire ! Après cette opération, tout jeu doit avoir disparu. Par contre, après une bonne séance de roulage, la réapparition d’un petit jeu de quelques millimètres en débattement est tout à fait normale.
Réglages
Course morte. Indépendamment du poids du pilote et de son niveau de pilotage, la précontrainte du ressort doit ménager une course morte comprise entre 10 et 50 mm. En plus d’épargner le mécanisme de l’amortisseur en exerçant un effet de frein quand la suspension se détend complètement, cette course apporte de la stabilité à la moto et du confort au pilote qui l’ajustera selon ses préférences. La moto positionnée sur un sol plat, guidon droit, la valeur de la course morte est déterminée par la différence de distance mesurée entre le sol et le point le plus haut du garde-boue arrière, selon que la moto pèse par son seul poids sur ses roues ou qu’on en soulève l’arrière (le silencieux d’échappement, pas par le garde-boue !) jusqu’à la limite du décollement de la roue du sol. Il faut évidemment être deux pour réaliser cette mesure.
Précontrainte et frein. Il est bien rare que l’acheteur fasse le même poids que son vendeur. Agissez donc d’abord sur les bagues de précontrainte du ressort dans un sens ou dans l’autre selon votre poids, ceci tout en préservant la fameuse course morte. Utilisez une clé à griffe de taille adaptée au diamètre des bagues et non le tournevis et le gros marteau ! Notez le nombre de tours ajoutés ou retirés, puis faites un essai de roulage et n’hésitez pas à reprendre le réglage s’il ne vous donne pas satisfaction.
Si la suspension s’écrase trop sous votre charge pour offrir un débattement satisfaisant ou si elle semble au contraire comme figée en position haute, c’est que la dureté du ressort est inadaptée à votre poids. Il est possible de trouver chez Ölhins ou TRP des modèles adaptables (moyennant parfois l’usinage de la chape supérieure du combiné d’origine) par tranches progressives de 5 kg.
Vous pouvez ensuite jouer sur le réglage hydraulique qui commande la rapidité de réaction de la suspension et s’ajuste vers plus de freinage en serrant la vis située en haut du combiné. Avant toute intervention, comptez soigneusement le nombre de tours de vis (ou de clics) entre le réglage d’origine et le vissage maximum, cela vous permettra d’y revenir facilement.
Type de pilotage. Ce n’est pas un scoop, Sebastien Vettel dans sa F1 n’a pas les mêmes exigences en termes de suspensions que la mère Michut au volant de sa Ligier sans permis ! Un adepte de la randonnée ou un S4 a davantage besoin de suspensions souples et confortables, c’est donc ce que je leur propose en leur préparant un combiné arrière assez souple en précontrainte et assez freiné en détente. Mais un niveau modeste n’exclut pas l’envie de fun et de plus en plus souvent, mes clients me demandent des motos réactives, pour faire décoller l’arrière comme les pros ! Dans ce cas, un peu plus de précontrainte, mais surtout une détente sensiblement plus vive (desserrer la vis) et le bonheur est dans le pré…
À plus haut niveau, les pilotes maîtrisent bien sûr tant les extensions que les amortis et souvent compensent avec les jambes la vivacité de réaction de leur roue arrière. Globalement, je leur prépare une suspension arrière qui colle le plus possible la roue au sol pour bien motricer sur les prises d’élan avant les gros obstacles. Mais il leur faut aussi un ressort plus ferme pour que la moto ne s’écrase pas sur les impacts sans trop rebondir pour autant, une hydraulique qui freine bien sur les gros chocs et renvoie pour les déplacements… Un numéro entier de Trial Mag suffirait à peine à détailler toutes les finesses de réglages nécessaires. Une certitude : le haut niveau implique quasi obligatoirement le montage d’un amortisseur haut de gamme, permettant de régler séparément hautes et basses vitesses, tant en compression qu’en détente (voir TM No59). Pour la grande majorité de mes clients, les éléments de série sont amplement suffisants, mais rien n’interdit de se faire un gros plaisir avec le montage d’un haut de gamme !
Entretien
Le contrôle visuel de l’absence de fuite sur l’amortisseur, tout comme celui du jeu de fonctionnement des biellettes est rapide et peut donc, même pour les pilotes les moins courageux, se faire avant chaque roulage. Je proscris totalement tout jet haute pression sur l’articulation de bras oscillant et sur les biellettes et il faut démonter intégralement et graisser obligatoirement au moins une fois par an tout le système de suspension arrière, faute de quoi leur inéluctable remplacement coûtera cher aux négligents !
SUSPENSION AVANT
Vérifications de base
Sur toutes les motos que je vends d’occasion, je vidange systématiquement la suspension avant avec de l’huile de fourche d’indice de viscosité 5 et en respectant les quantités préconisées par le constructeur. Pour avoir l’esprit tranquille, je préfère toujours en profiter pour changer les joints spi. Je vérifie également que les tubes n’ont pas subi de choc et que la direction n’est ni desserrée, ni « billée ».
Réglages
En sortie d’usine, les tubes dépassent tous du té de fourche supérieur de quelques millimètres : 3 mm pour les Gas, 5 mm pour les Beta et 7 mm pour les Sherco, sans distinction de cylindrée. Réduire cette valeur favorise la stabilité, l’augmenter améliore la maniabilité.
D’une façon générale, la fourche doit toujours se détendre plus rapidement que la suspension arrière. Cela évite de laisser trop de poids sur l’avant et donc de forcer sur les bras, de perdre l’équilibre. Selon le poids du pilote, on peut augmenter ou réduire la résistance de la fourche en compression en serrant ou en desserrant la vis située sur le bouchon de fourche gauche sur les Marzocchi. La vis du bouchon droit permet d’ajuster la vitesse de détente : plus vous la desserrez, plus vite la fourche remonte.
Pour un pilote de petit niveau ou qui ne roule qu’en rando, je conseille une compression modérée dont l’effet d’amortissement sera suffisant au vu des obstacles rencontrés, la douceur étant aussi un élément important du confort de roulage. Côté droit, adoptez une détente pas trop rapide qui vous apportera plus de stabilité et de confort de roulage. Mais souvent, comme pour la suspension arrière, par goût du fun et envie de réactivité, de plus en plus de mes clients apprécient une fourche très libre en détente qui facilite les déplacements et délestages de l’avant. À vous de voir selon vos envies !
À plus haut niveau, les compétiteurs affrontent de plus gros obstacles et des descentes plus abruptes, qui nécessitent une fourche plus progressive, un réglage en compression beaucoup plus ferme afin de mieux absorber les gros impacts. Leur niveau de pilotage et leur sens de l’équilibre leur permettent de contrôler une fourche plus libre en détente qui facilite les nombreux déplacements rendus nécessaires par des zones plus complexes : la moto roule de moins en moins, elle bondit de plus en plus…
Entretien
Pour un pilote qui roule une fois par semaine, je préconise de vidanger la fourche tous les six mois et de changer les joints spi tous les ans. Mais bien des clients attendent que les joints fuient pour les changer et vidanger leur fourche. N’utilisez que de l’huile de fourche (indice de viscosité 5) et surtout ne lésinez pas sur la qualité des joints de remplacement : entre les adaptables chinois à 7 € et des SKF (publicité gratuite !) la différence de qualité et de résistance est bien réelle !
Comme c’est le cas sur la Gas Gas illustrant l’article, la fourche est très souvent quasi bloquée en raison de l’ajout d’une quantité d’huile trop élevée : après vidange, il reste toujours de l’huile emprisonnée dans la cartouche et en ajoutant le volume préconisé sur le manuel d’entretien, on se retrouve avec une quantité globale trop importante.
Deux solutions à ce problème : la moins bonne consiste à remplir les bras en fonction des hauteurs d’huile éventuellement préconisées ou à mesurer précisément la quantité vidangée et à la remplacer par le même volume d’huile neuve. La souplesse de la fourche est alors préservée, mais le tube ne contient que 50 % d’huile neuve… Je préconise de démonter complètement la fourche pour extraire la cartouche et la vidanger de toute sa vieille huile.
Tant que tout est démonté, vérifiez que les bagues antifriction en Téflon ne sont pas usées (les remplacer coûte environ 50 €). Pour nettoyer les différentes pièces, essayez d’utiliser une fontaine plutôt que de l’essence qui n’est pas bien copine avec les bagues Téflon, justement. Les plus maladroits (ou les plus prudents !) éviteront de mal remonter, voire d’endommager, les délicates petites pièces internes en portant leur fourche ou leur moto chez leur motociste préféré…
Les petits impacts sur les tubes peuvent être rattrapés en les ponçant avec une pierre de grain très fin. Si les dégâts s’avéraient trop importants, les joints neufs ne dureraient qu’un déjeuner de soleil, il faudrait donc changer le plongeur (environ 400 € pour les tubes anodisés, aïe !). Je suis évidemment favorable aux protections de fourche (plastique ou carbone, c’est votre CB qui décide !) qui évite ce genre de dépenses malvenues. De même, les chaussettes néoprène sont assez protectrices, à une restriction près : trop souvent, elles ne sont jamais démontées alors qu’elles se transforment très vite en entonnoirs à boue et poussière, cauchemars de vos malheureux joints et tubes… Pensez aussi de temps en temps à chasser la terre, l’eau ou le sable qui serait parvenu à se faufiler sous les joint cache-poussière (soulevez-les délicatement à l’aide d’un tournevis plat).
Dans la foulée, je conseille de contrôler également l’état de la direction : quand vous freinez de l’avant, le haut de la fourche ne doit laisser entendre un petit « cloc » trahissant un jeu dans la colonne. Desserrez les vis du té de fourche supérieur, puis resserrez l’écrou de colonne de direction délicatement avec la clé adéquate (pas avec une pince multiprise, barbares !). Puis, la moto reposant sur un trépied avec la roue avant en l’air, secouez la fourche d’avant en arrière pour vous assurer que le fameux « cloc » a disparu. Contrôlez enfin qu’il n’y a ni point dur, ni résistance quand vous tournez le guidon. Des points durs indiqueraient des roulements marqués et donc HS ! Là aussi, le coupable est souvent le nettoyeur haute pression qui a chassé la graisse des roulements et favorisé la corrosion… Si tout va bien, amenez le té supérieur en contact avec l’écrou de colonne de direction en le tapotant avec un maillet et enfin resserrez tout.
Petit souci assez fréquemment rencontré, votre suspension avant peut devenir exagérément dure à la suite d’un choc latéral subi par l’un des bas de fourche. Desserrez franchement les vis qui bloquent l’axe de roue, faites coulisser plusieurs fois la suspension pour la réaligner correctement et n’oubliez pas de bien resserrer avant d’aller rouler !
Vous avez tout compris ? Impec’, alors pour rouler sur du velours, hop hop hop, direction l’atelier et surtout, merci Jeannot !
Bonjour à tous.
Réglez déjà correctement votre pression des pneus, ( avec un bon mano ) et prenez des cours pour le dosage des gaz dans une école de trial ( chose dans laquelle je suis d’ailleurs très médiocre ) .
Après, les déplacements et compagnie, technique de passage des marches, c’est du hors sujet.