Le Duel au Sommet : Tarrès vs. Ahvala
Deux rounds d’exception se sont déroulés aux États-Unis, deux manches qui ne se reproduiront plus jamais. Retour sur cette manche d’anthologie entre Tommy et Jordi…
Première Étape : Le Sacre de Bernie Schreiber
La première fut celle du sacre de Bernie Schreiber, l’unique Américain couronné à ce jour, à Roaring Ranch en Pennsylvanie le 11 juin 1978. Et la seconde fut l’ultime manche du Mondial en 1992 à Watkins Glen, dans l’État de New York. Une épreuve qui a vu un final haletant entre deux hommes au coude-à-coude pour le titre : l’Espagnol Jordi Tarrès et le Finlandais Tommi Ahvala. Retour sur un duel mené à coups de cliffhangers.
Deuxième Étape : Le Duel Haletant
Lorsque Tommi Ahvala remporta sa première manche du Championnat du Monde de Trial à domicile, à Korpilandi en Finlande, le 25 août 1991, il signifia au champion en titre Jordi Tarrès sa prétention au titre mondial. Il n’était plus le faire-valoir qu’il avait été, notamment avec sa signature dans la puissante équipe Aprilia en 1989 qui lui avait confié une Climber lui convenant à merveille.
Accessoirement, il forçait l’Espagnol à attendre l’épreuve suivante en Suède pour décrocher la timbale, soit un quatrième titre mondial. Mais lorsque ce même Ahvala remporta deux semaines plus tard sa deuxième victoire lors de la dernière manche du championnat à Nepomuk, en Tchécoslovaquie, il signifia surtout à Tarrès qu’il allait désormais avoir fort à faire pour s’adjuger un cinquième titre l’année suivante.
Ahvala Affirme sa Prétention
Cela se confirma d’emblée début 1992. Ahvala s’empara de suite de la tête du championnat en remportant la manche inaugurale qui se déroulait à Berga, en Espagne. Il précéda Bosis et Tarrès pour les prémices d’une foire d’empoigne qui dura toute la saison. À tel point qu’en arrivant sur le sol américain pour disputer l’ultime manche de l’année, Ahvala et Tarrès n’étaient séparés que de 7 points, à la faveur du Finlandais qui avait remporté l’épreuve précédente au Canada. Une dynamique positive qui le mettait dans une position favorable à la veille de l’ultime affrontement de la saison sur les terres de l’Oncle Sam…
Ahvala Renforce sa Position
Températures agréables, temps beau et sec, les conditions météo étaient idylliques, à l’opposé de celles qui avaient sévi lors des deux précédents GP des USA de Trial de 1981 et 1984 organisées sur le site. Il avait fait à chaque fois une chaleur étouffante, les épreuves se déroulant en plein mois de juin. Cette fois, c’est du bonheur.
Pour l’organisateur Carl Peters, aux commandes des deux précédentes éditions, l’objectif est clair : le vainqueur de l’épreuve devra avoir pris environ 50 points. C’est son baromètre pour déterminer s’il a tracé correctement les zones… Bref, l’homme a prévu de ne pas trop corser le parcours, même si les 15 zones sont situées dans un coin fait de berges glissantes, raides et boueuses à fort dénivelé.
Saison Tendue : 1992
Il a également donné la directive aux commissaires de ne pas révéler les scores des pilotes pendant chaque tour. Au lieu de lever un bras en l’air en indiquant avec les doigts les scores actuels, les marshalls sont invités à le maintenir baissé, à l’abri des regards. Cela a fonctionné, il n’y a eu aucune dispute pendant le week-end, même s’il était pour le moins étrange de ne pas connaître les résultats des pilotes pendant, ou après, une section.
Peters ne voulait pas les voir négocier leurs pénalités en pleine section, ce qui était possible puisque l’arrêt était autorisé et qu’aucun chrono ne limitait le temps dans les zones… Enfin presque. Au total, chacun disposait de sept heures pour effectuer ses trois tours, plus une heure de pénalité ! Bref, toutes les conditions étaient réunies pour un duel au sommet entre Tarrès et Ahvala, l’outsider dont la stratégie de course était limpide pour décrocher la couronne mondiale : finir devant Tarrès, ou, si ce dernier l’emportait, ne pas scorer au-delà de la quatrième place.
Un Affrontement Imminent
Dès le premier tour, il était clair que les sections étaient plus faciles que prévu. Nombreux furent les pilotes à ne scorer qu’un point, voire aucun, à l’exception d’une montée boueuse de la zone 9 où pas mal ont pris cher. Autre zone cruciale, la 12e, tracée dans une montée raide de la longueur de deux terrains de foot faite de terre et de roches.
Une zone qui s’attaquait sans élan et qui, malgré la présence de deux corniches pour reprendre son souffle et se repositionner, était jugée impossible par l’ensemble des pilotes. Ils avaient vu juste, ce fut un festival de chutes. Ces derniers parvenaient jusqu’à la première base, mais sans pouvoir en repartir. Même pour les spectateurs, il était risqué d’y stationner du fait des éboulements de roche !
Conditions Idéales : Épreuve Décisive
Ce fut finalement Diego Bosis qui, en calant sa Fantic au rupteur et en appuyant comme une brute sur ses repose-pieds dans un style bien à lui, parvint à vaincre la grimpette sous les applaudissements d’une foule en délire. Un exploit qui lui permit de recoller au peloton de tête regroupant à la fin du premier tour Bilbao avec 14 pions, Ahvala, 16, Tarrès, 17 et 20 pour lui. Mais c’est un Jordi Tarrès sur motivé qui entame le second tour, en signant plusieurs zones sans faute, hormis dans la désormais célèbre zone 12 où il écopera de 5 pions.
L’Espagnol survolera quasiment toutes les sections et arrivera au terme de l’ultime zone avec un total de 11 points perdus. Soit bien moins qu’Ah vala dont le carton comptabilise 20 points, Bilbao 22, tout comme Marc Colomer, le pilote Montesa. La réaction idéale pour mettre le plein de pression sur les épaules du Finlandais et renverser la tendance, après plusieurs épreuves à subir la domination du grand Nordique.
Stratégie de Course d’Ahvala
À ce moment, le triple champion du monde devient quadruple champion du monde. Bref, c’est remonté comme un coucou suisse qu’il attaque le troisième et ultime tour. Il signe un sans-faute parfait sur les cinq premières zones avant de trébucher sur la sixième. Dans un enchaînement de marches montantes et descendantes au milieu des chutes d’eau entrecoupées de virages serrés, clôturé par un grand mur de roche qui accède à la sortie, il mange la terre du nouveau continent. Un passage impressionnant mais qu’il avait dominé sans difficulté les deux tours précédents.
Défis Anticipés
Pourtant, c’est là que la machine s’enraye. Alors qu’il se pose au milieu de la dernière corniche, le pilote Beta heurte un rocher avec son carter moteur et doit s’éjecter en catastrophe de la moto pour éviter une lourde chute. Bis repetita à la sortie de la neuvième zone, dans une montée raide et boueuse. Sur le point d’en sortir, sa machine se cabre violemment et finit au fond du ruisseau. De quoi donner des ailes à Ahvala qui reprend 8 points à Tarrès, lequel crève, comme pas mal de concurrents, dans la onzième zone.
La Section Impossible : Zone 12
Autre souci pour le pilote Beta, son compatriote Amos Bilbao qui tenait fermement le leadership depuis le début de l’épreuve, au grand dam d’Ahvala, commence à décliner rapidement. Manque de caisse. Tout le contraire du Finlandais qui, lui, pète la forme et finit le troisième tour en trombe pour signer un total de seulement 50 points, soit le même nombre que Bilbao. Un résultat qui lui assure la victoire au général, mais surtout son premier – et unique – titre !
Tarrès Remonte la Pente
Homme de glace, donc pas des plus expansifs, le grand Tommy se laisse pour le coup aller à la confidence, sans donner trop dans l’introspection quand même. « Je m’attendais à ce que les sections soient plus difficiles, du coup, quand elles ne l’étaient pas, j’étais inquiet. Mais je m’en suis tenu à ma tactique, suivre Jordi dans la plupart des sections et me concentrer sur mon pilotage. Ça m’a permis de faire un bon dernier tour et de décrocher la victoire, donc le titre. Mais que c’était long ! »
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