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Eddy Lejeune : quatre décennies déjà !

Il y’a maintenant un peu plus de 40 ans, Eddy Lejeune remportait son premier titre de champion du monde de trial… Retour sur le parcours de l’un de ceux ayant participé à la création du mythe Honda. 

 

Il y a 40 ans, tu remportais ton premier titre de champion du monde, ça te paraît loin ? 

Oh oui ! C’est un peu oublié. Il m’est arrivé tellement de choses dans la vie depuis 40 ans, des hauts et des bas avec mes accidents, que j’ai pas mal zappé cette période lointaine. C’était une autre vie !

En passant aussi près du titre en 1981, tu avais une revanche à prendre l’année d’après ? 

J’ai manqué de chance cette année-là. Surtout en fin de saison où les pneus Michelin faisaient une grosse différence. Moi, j’étais sous contrat Dunlop et je ne pouvais que subir. Une revanche, on peut dire ça, mais avec le temps, j’ai avalé la pilule (rires)…

Tu avais changé quelque chose dans ton entraînement hivernal fin 81 ?

Non. Je suivais toujours un gros entraînement physique tout en enchaînant pas mal d’heures sur la moto qui n’avait pas changé, si ce n’est qu’elle était plus lourde. Comme je la trouvais trop légère du train avant, je rajoutais du plomb sur l’axe de roue avant. Mais voyant ça, Honda ne comprenait pas l’utilité de me faire des pièces spéciales allégées et ne travaillait pas vraiment dessus. Les ingénieurs pensaient que je voulais plus de poids alors que c’était juste un problème de répartition des masses : l’avant était trop volage.

Tu avais eu d’autres propositions vu ton statut de favori en 82 ?

Je n’ai jamais essayé d’autre moto, ni eu l’occasion de monter sur une machine d’usine de marque différente. Je disposais d’un contrat de 3 ans avec Honda, avec un bon budget et des bonnes primes, alors pourquoi aller voir ailleurs ? 

Tu considérais avoir la meilleure moto pour atteindre ton objectif ? 

La meilleure, je ne sais pas. Comme je le disais, je n’en ai jamais essayé d’autre. Par contre, elle me convenait très bien et son moteur était fabuleux. Le soutien du HRC, une bonne moto… Tu avais le package pour réussir ? C’est clair ! La moto 100% usine, le suiveur, le mécano, mes parents et le camion qui était souvent conduit par ma femme, Dominique. En 82, on peut dire que j’avais les armes idéales pour atteindre mon objectif.

Avec 8 victoires sur 12 épreuves, t’attendais-tu à une telle domination ? 

Disons que je partais toujours pour gagner. Quand je perdais, j’étais très très déçu. Comme tu l’as dit, j’avais tout ce qu’il fallait pour décrocher le titre avec, en plus, la seule chose qui m’avait manqué en 1981 : les pneus Michelin.

Tu étais imbattable dans ton jardin de Bilstein ?

Ah oui, c’est sûr ! Je passais énormément d’heures à m’entraîner là-bas. Je connaissais par cœur le moindre caillou et les différents changements d’adhérence, donc oui, c’était logique que je gagne. Ça aurait été une grosse désillusion de perdre à domicile mon Grand Prix.

Bernie Schreiber était revenu à son meilleur niveau et Gilles Burgat ne lâchait rien, qui craignais-tu le plus ? Bernie était un excellent pilote. Avant qu’il ne passe sur Italjet, j’avais vraiment peur de lui. Gilles “m’effrayait” moins, mais c’était le champion à battre (rires)… En 82, Bernie et Gilles ont été des adversaires redoutables, mais c’est vrai que je me méfiais plus de Bernie. Il ne faut pas oublier non plus Thierry Michaud qui montrait le bout de son nez et qui m’a posé problème pendant plusieurs saisons.

Eddy Lejeune

En plus du titre mondial, tu n’étais pas loin de remporter les 6 Jours d’Ecosse que tu termines 3e. Des regrets ? 

Je n’arrivais pas à tenir six jours! Le jeudi m’a toujours été fatal, sûrement pour cause d’épuisement du soir… (NDR, Dominique, sa femme, intervient à ce moment-là: «Sûrement pas à cause de moi car trois jours avant une course, Eddy rentrait dans sa bulle et il n’y avait plus une parole ! ») Si j’éprouve des regrets ? Non ! Je n’arrivais pas à être compétitif six jours, c’est comme ça.

Tu te considérais comme un pilote doué ou travailleur ? 

Travailleur, c’est sûr. Je m’entraînais plus que mes concurrents, je pense. Doué ? C’est un peu prétentieux de dire ça, mais j’avais des aptitudes sur la moto et j’étais plutôt casse-cou.

Première saison de Mondial à 18 ans, trois ans plus tard, tu décroches le titre de champion du monde, c’est incroyable ? 

Oui, j’ai vite gravi les échelons. Très jeune, à partir de 15 ans, je me suis imposé dans toutes les catégories en Belgique. En 1980, je gagne mon premier GP et en 81, j’aurais pu être champion du monde. Mais bon, Gilles avait connu la même ascension que moi, donc mon cursus n’est pas si incroyable que ça, finalement…

Ce titre, c’était un aboutissement ?

Je ne peux pas appeler ça un aboutissement, car j’en voulais toujours plus. À chaque fin de course, tant que le classement n’était pas validé, qu’il n’y avait pas de réclamation, je n’arrivais pas à réaliser que j’avais gagné. Je voulais d’autres titres et c’est pour ça que je travaillais autant.

Le type de terrains que tu préférais et celui que tu redoutais ? 

Sans hésiter : les 6 Jours d’Ecosse ! Des zones faciles où tu n’as pas le droit à l’erreur. Là où j’étais le plus à l’aise, c’était sur les trials difficiles où il fallait un bon moteur et un gros cœur. Mon côté kamikaze m’aidait alors pas mal (rires)…

Tu avais des hobbies en dehors du trial ? 

La gymnastique, le ski, le tennis… je faisais beaucoup de sport. Mais dès que j’ai eu le titre mondial , sur mon contrat, il était stipulé que les sports à risques m’étaient interdits, alors j’ai calmé le ski que j’adorais. J’en faisais depuis longtemps grâce à mes parents qui avaient un appartement aux 2-Alpes.

Ton meilleur souvenir de cette saison 82 ? 

J’étais tellement concentré sur mon objectif que je n’avais pas le temps d’apprécier. La course à peine terminée, je me focalisais déjà sur la suivante. Tu vas rire mais mon meilleur souvenir, c’est un indoor que j’ai remporté au Japon. Là-bas, l’accueil de Honda et les fans étaient incroyables. Je retiens aussi le jour de ma remise de médaille du titre par la FIM. Là, j’ai vraiment réalisé que j’étais champion du monde.

Une année importante car en plus du titre, tu te maries avec Dominique ?

Absolument. 1982 restera une année importante de ma vie. Même si, avec le recul, je pense que le mariage et ensuite les enfants ont tendance à faire perdre des titres. On ne s’entraîne plus de la même manière, les déplacements deviennent plus compliqués… Enfin, pour moi qui fais passer la famille avant tout ! C’est ma vision des choses.

Quels étaient tes points forts et tes points faibles ? 

Mes points forts : ma force de caractère, ma volonté à l’entraînement. Je voulais toujours être le meilleur pilote possible sur la moto et le plus fort physiquement le jour des courses. Mon gros point faible, je peux le dire, aura été mon pessimisme. Je ne profitais pas de la vie. Rouler en trial était mon boulot et non un sport. Nous avons beaucoup voyagé, mais nous ne profitions pas des pays que nous traversions. Nous allions d’un point A à un point B juste pour faire ce pour quoi on me payait : gagner des courses et des titres.

Le clan Lejeune, c’était important pour ta confiance ? 

Sans aucun doute. Il s’occupait de tout. Je peux dire que c’est grâce à mon père, mon frère et ma femme probablement aussi (rires) que j’ai eu cette carrière… Parler du clan Lejeune n’était pas usurpé. Je m’en rends compte encore plus maintenant : la famille est vraiment primordiale pour moi.

Tu étais très fort en indoor. Ta maîtrise du recul et des déplacements te venait de tes années de vélo trial ? 

Le vélo trial n’existait pas encore. J’ai démarré avec un vélo de cirque équipé d’un pignon fixe avec lequel je pouvais pédaler dans les deux sens. Avec ça, j’ai acquis une technique qui m’a bien avantagé. Je maîtrisais vraiment bien le recul.

Au début de ta carrière, tu avais une idole, un modèle à qui tu voulais ressembler ? 

Non. Tu sais, en Belgique, tous les ans, je montais de catégorie, je gagnais mais à la fin, j’étais disqualifié car je n’avais pas l’âge. À 17 ans, je participe au Mondial et là encore, on me met hors-course… À 18 ans, je gagne devant mon frère Jean-Marie qui comptait parmi les 10 meilleurs mondiaux. Bref, tout ça pour dire que je ne connaissais pas les autres pilotes. Je ne me jugeais que par rapport à mon frère qui était à l’époque champion de Belgique. Quand j’ai commencé à monter sur les podiums, Vesterinen était l’homme à battre, mais je ne peux pas dire que je l’idolâtrais.

Gilles Burgat a été champion du monde à 20 ans. Toi, à 21 ans. Qu’est-ce qui a fait gagner cette jeune génération dont tu faisais partie ? 

Nous avons juste commencé très tôt à gagner, depuis l’âge de 15 ans. À 18 ans, je remportais déjà mon premier GP. Les motos n’étaient pas les mêmes, la technique évoluait, nous étions prêts physiquement, c’était un ensemble de choses qui nous ont permis d’être champions du monde jeunes.

Tu estimes avoir bien gagné ta vie dans le trial ? 

Oui, je ne vais pas te mentir. J’avais des bonnes primes de victoires et jusqu’à la 10e place en Mondial. Et vu que je gagnais beaucoup, je gagnais beaucoup (rires). Au Japon, j’étais très bien vu par Honda, chaque fois que j’allais les voir, j’étais reçu comme une star… enfin, sans prétention !

Pour conclure, tu as une anecdote inédite que tu voudrais dévoiler à nos lecteurs de Trial Mag ? 

Oui, maintenant je peux la raconter ! C’était lors du GP d’Amérique de 82. En interzone, je crève de l’arrière et prends la route pour rentrer réparer. La panique. Je roulais à fond avec ma 360 (NDR, soit 100 km/h) quitte à griller les feux rouges, mais une voiture de police se met à me poursuivre, suivie d’une deuxième, puis d’une troisième… Les voitures me dépassent, me bloquent la route, mais je ne me démonte pas. Je monte sur le trottoir, passe le barrage pour arriver au camion du team où je jette ma moto au mécanicien.

Je rentre dans la semi et je me tais. Je fais le mort ! Mais la police m’avait vu et les flics tournaient autour du camion tout en me demandant de sortir. Je ne me suis pas dégonflé, j’ai continué à me taire jusqu’au moment où Siemens, mon mécano, m’a annoncé qu’ils n’étaient plus là et que je pouvais repartir car il avait réparé la roue. Je m’éclipse dare-dare mais pas de bol, je crève cette fois de l’avant ! À bout de nerfs, je chope mon frère, échange ma roue contre la sienne, ce qui est totalement interdit, et finis de passer les dernières zones, avant de réparer ma roue juste devant le parc fermé ! J’ai bien fait, je finis second du GP et gagne le titre (rires) !

 

Encore plus d’interviews de légende dans nos magazines Trial Magazine. 

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