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Les kits Rayer…

Christian Rayer : le nom est encore bien présent dans l’esprit des « moins jeunes » d’entre nous. Pour les autres, ça se situe dans les années 70, une période il est vrai, déjà un peu lointaine.

A l’époque, Christian rivalisait en Championnat de France avec Charles Coutard et il gérait son magasin Moto 92 à Viroflay (92). Un bouclard plus que spécialisé trial et qui fabriquait et distribuait les kits Rayer. Des kits moteurs, des bras oscillants destinés aux Yam TY, DTMX, 500 XT.

Aujourd’hui, le gars Christian revient pour nous sur cette belle aventure mécanique. Il nous conte l’historique de ces fameux kits.  De quoi meubler agréablement votre confinement !

 

Pourquoi les Kits moteurs ? ….

 

« Pourquoi la création de mon premier kit moteur ? ….

En 1962 , la 200 cc Motobécane !
A 15 ans à mes débuts, je découvre la mécanique et aussi mes premières compétitions de Trial. Mais je souffre
de ne pouvoir réussir les franchissements de zones comme certains autres pilotes et je pense que je
suis mauvais ? … Souvent je me répands lamentablement dans les difficultés parce que ma machine manque de
puissance , jusqu’au jour ou un pilote britannique à Saint Cucufa après la couse m’a permis d’essayer sa  » Greeves  »
Cela a été une révélation pour moi , d’un coup j’avais l’impression d’être devenu bon ? ..
Cette sensation va se confirmer souvent encore beaucoup plus tard ,même dans d’autres disciplines en courses
comme au Touquet , par exemple ou j’arrivai en tète largement devant tout le monde au bout de la plage après
le départ , pas parce que j’étais meilleur que les autres, non du tout ! Mais parce que je j’avais la chance de posséder
 » l’arme absolue  » la 425 IT : à cette époque elle avait le meilleur moteur !

Dans le Paris Dakar, même chose il me fallait avoir le moteur le plus puissant pour pouvoir gagner l’étape à la régulière avec ma 500 XT .

Après de nombreuses années en compétitions et de travail sur toutes sortes de prototypes, d’abord en 1962 (sur Motobécane ) puis en 1964-65 sur mes « GREEVES  » et après à l’usine Montesa en 1967-68-69  » COTA 247  » et ensuite sur mes YAMAHA en 1971. 

En 1976,  je décide de plancher cette année-là  sur la TY 250 sur ce moteur que je connais très bien mais
que je trouve pas assez puissant dans sa version STD. Comment l’améliorer sérieusement
face à la concurrence tout en conservant sa robustesse légendaire, pour en faire profiter mes clients ? ….

Nous sommes donc en 1976, avec ma «TY»250 STD à présent, je me contente de participer seulement
aux épreuves françaises du championnat, avec une machine de série, après avoir longtemps roulé avec
toutes sortes de prototypes. Cela fait maintenant plusieurs années que YAMAHA a commercialisé avec
succès la «TY » en série, seulement en compétition face à ses concurrentes espagnole, la machine a trois
ans d’age maintenant et n’a plus évolué du tout .La concurrence , possède de nouveaux moteurs plus puissants
leurs donnant souvent un avantage certain dans des passages réclamant beaucoup de chevaux ; j’en suis bien
conscient depuis déjà pas mal de temps ; je sais que je suis pénalisé souvent par cette situation dans des
passages difficiles réclamant de la puissance , mais chez Yamaha la réactualisation de la «TY» en 1976 n’est plus
du tout d’actualité ; on se contente pour le moment d’écouler les stocks avant d’essayer autre chose. En 1971,
lorsque j’ai débuté la mise au point de la TY, j’ai commencé d’emblée à travailler avec le moteur du 360 cc RT1,
le plus puissant monocylindre de la marque à l’époque. Bien que correctement préparé, j’ai dû me rendre
à cette évidence qu’il ne correspondait pas à mon attente. J’ai dû réduire sa cylindrée à 300 cc, pour trouver un juste
compromis, mais aujourd’hui, en 1976 alors que je dois me servir à nouveau de la machine de série en 250 cc cette fois !
Commercialisation oblige, c’est plus vendeur et il y a du stock ! Je pense qu’il me faut retravailler entièrement le problème moteur, et pour cela je ne peux compter que sur moi-même. L’usine ne s’intéresse plus au Trial, en dehors de la vente des TY, en l’état pour le moment .Au lieu de partir d’un moteur de cylindrée supérieure, je vais faire maintenant le contraire.  Augmenter la cylindrée du 250 cc, en conservant sa course plus courte et gagner en cylindrée pour trouver la nouvelle puissance disponible dont j’ai besoin. La gageure va être de réussir à transformer cylindre, piston et carters moteur ?
….Cela va me prendre pas mal de temps en essais de toutes sortes, dans mon magasin de Viroflay à  » MOTO92  » .
La difficulté majeure à ce moment-là va être de pouvoir trouver les composants de qualité et de réussir à les
transformer exactement à la demande, ensuite d’effectuer tous les bons réglages, les bons accords. Pour cela j’ai
de la chance, derrière MOTO 92, se trouve la forêt toute proche,( époque encore bénie !) je peux donc rapidement tester, essayer, en direct, dans les conditions réelles d’utilisation.

Je connais bien les endroits tests ( sans avoir besoin du banc d’essais ), je me fie à mes impressions, mon ressenti sur la machine, cela ne m’a jamais trahi jusqu’ici. Je passe des heures et des journées entières dans mon bureau à recalculer les plans, les dessins, des diagrammes de distribution différents pour ce nouveau moteur, ensuite je fais usiner les pièces à la demande dans une usine de mécanique, ici, en région parisienne.
Dans mon entourage, je vois bien des réticences amusées, les sourires incrédules de certains, ils pensent que
je n’y arriverai certainement pas, impossible !…Qu’est ce qu’il croit, le père Rayer ? Pouvoir faire mieux que les Japonais ?..
Cela me rappelle avec ironie, le temps où je travaillais à l’age de 16 ans seul sur ma Motobécane, pendant des mois dans le garage familial, ( où j’avais entièrement démonté la machine ! ). Bien sûr, sous le regard amusé et incrédule de mes parents…
Mais voilà, un jour, après pas mal d’essais de montages et démontages ,ce nouveau moteur est prêt à Moto 92, dans sa version presque définitive 322 cc, et surtout, après quelques réglages, il fonctionne déjà terriblement bien: ! Je peux facilement le comparer avec la concurrence, j’ai des motos d’autres marques à portée de main, fournies par mes clients du magasin. Là, il n’ y a pas photo : ce moteur est super ! .. Je le teste maintenant en compétition : c’est parfait !

La fiabilité ? … Aucun problème, je roule avec tous les jours et en compétitions les weekends en course …..Les clients vont rapidement être très intéressés, les journalistes aussi et dès qu’ils essayent, c’est vendu pour un nouveau moteur ! Ils sont tous emballés ! Je vais en commercialiser comme cela des centaines en France, mais aussi à l’étranger. Au point qu’un jour, je reçois un coup de fil de JCO qui me dit : « j’aimerais bien essayer ta TY 350 cc et les Japonais aussi, aimeraient bien. Peux-tu aller à Amsterdam au centre Yamaha-Europe : tu y retrouveras Andrews, qui y travaille désormais, depuis peu, avec les Japonais .iI voudrait aussi essayer ton moteur de TY 350 .

OK Messieurs, je suis très flatté de toute cet honneur. Surtout quand je pense que depuis un
certain temps déjà, «Mike » travaille à plein-temps dans l’atelier à Amsterdam, et qu’il n’en ressort rien de concret à ma connaissance pour l’instant !

Mais en fait, je ne me fais pas trop d’illusions, je me doute bien ce qu’ils veulent, c’est d’abord tester
tout simplement mon travail ! Et si comme je le pense cela leur convient , pouvoir s’en inspirer tout simplement ,bien sûr !
ils pourraient le faire discrètement avec la complicité d’un client anonyme, mais bon, ils savent aussi tout de même les rapports que j’entretiens avec JCO ! … Et puis je «fais partie de la maison», donc autant jouer franc-jeu, c’est plus intelligent de leur part !
…….Du coup cela me convient, je suis d’accord, voyons voir ce qui peut en découler ! …..
Me voilà donc, quelques jours après, au centre YAMAHA Amsterdam . Je suis très bien reçu par les responsables japonais,que je connais bien. Je retrouve aussi le père «Mike» évidemment, pour essayer et tester mes motos, dans l’atelier .Il travail le ce jour-là sur une 500 XT en Trial ? Projet qui ne verra jamais le jour ?

J’ai apporté deux modèles de TY 350, la mienne, celle avec laquelle je cours en trial avec en plus du moteur, des modifications sur la partie cycle (suspension AR à plus grande course, bras spécial plus long, d’une géométrie différente augmentant considérablement le débattement de la suspension AR et l’adhérence, etc etc … ).
Et puis une version STD, du type, genre juste sortie de la caisse, mais en 350, un peu moins puissante, partie cycle STD, mais qui pourrait parfaitement paraître avoir été fabriquée entièrement en 350 à l’usine au Japon. Extérieurement, il y a juste les stickers qui changent, mais lorsque on la démarre, ce n’est plus du tout le même folklore ! Les essais s’avèrent évidemment très enthousiasmants pour le père «Mike» et aussi pour les Japonais ,

Je ne suis pas du tout surpris du résultat : j’étais sûr de mon coup !…. Reste maintenant la suite des événements ? …… Au moment de remettre les machines dans mon camion, un technicien qui travaille ici vient
me trouver gentiment pour me dire, l’air faussement décontracté .« Laissez-les à l’atelier, vos machines ,
vous les retrouverez tout à l’heure, après votre retour du restaurant ! »

En plus des deux TY 350 , j’avais apporté pour le  » fun  » et aussi , pour un peu les épater une TY 239 toute équipée (car nous étions tous invité ensuite avec mon épouse, par le staff Japonais, au restaurant en ville, suite à l’essai.

Oui-oui Messieurs c’est ça ! …… Mais si vous n’y voyez pas d’inconvénients, Messieurs, je range mon matériel dans le camion bien fermé à clés bien à l’abri , c’est plus sûr ! …
Pendant tout le repas, notre ami technicien japonais va essayer par tous les moyens de me faire parler, sur tel ou
tel aspect technique de la transformation de mon moteur :«Mais comment avez-vous fait pour faire ceci ? et puis pour faire cela ? etc etc….. »
Chaque fois, je réponds juste ce que je veux bien qu’il sache, sans plus. Je sens bien que cela l’agace, mais
la bonne éducation très respectueuse japonaise, l’empêche de s’énerver . Nous finirons la rencontre cordialement sur ces entrefaites.  Mais d’un coup,( après réflexion ) il me demande, si je peux, prochainement transformer un moteur de TY et l’expédier ici, à Amsterdam, officiellement pour Mike en compétition.

OK Messieurs, pourquoi pas !
A mon retour a Paris, je n’aurai pas besoin de faire mon rapport à JCO. Rapidement, il va me téléphoner pour me
demander, lui aussi, d’essayer la moto en 350 cc et ensuite de nous rencontrer, afin de lui faire une étude du coût, pour la transformation d’une série d’environ 200 motos TY 250 en caisses, à modifier en 350 cc, c’est clair que la 250 cc ne se vend plus, Il va falloir faire quelque chose pour écouler rapidement le stock. Nous nous mettons d’accord sur l’enveloppe de cette opération à réaliser par Moto 92 .
«Génial !» Je vais pouvoir, avec le fruit de cette opération, m’offrir ma Porche 911 voiture dont je rêvais à cette époque. et que SONAUTO avait un peu oublié de m’offrir  » rire  » …. ( Ils ne l’on pas offert à Patrick Pons non plus ! ..)

La TY 350 sera officiellement présentée au Salon de Paris et ensuite tout le stock très rapidement écoulé en quelques jours. Evidemment  » Mike  » de son coté en Angleterre en profitera un peu plus tard pour commercialiser la TY 350 sous la marque
 » Majesty « , en Angleterre avec en plus des modifications sur la partie cycle assez réussies je le reconnais ! …
Sur cette lancée, je vais maintenant commercialiser aussi la TY 125 , en 175 cc et en 239 Cette petite machine
manque pas mal de puissance, et en 210 cc je l’appelle TY 239, avec réussite également !

Je serai évidement souvent copié par la suite, par de nombreuses autres personnes dans le petit monde de la moto sur ce modèle très populaire.
Fort de ces expériences plutôt positives, je décide en 1978, de m’attaquer à un nouveau, et, très gros «morceau
commercial», très populaire également, la DTMX 125. Là, je vais faire pas mal de travail de recherche, car
j’ai l’idée cette fois de me rapprocher d’un fondeur. Eh oui, vous l’avez deviné, je vais créer ma propre pièce de fonderie, unique, à ma marque,(cylindre – culasse ). Cela nécessite des investissements, certes importants, dans un outillage personnel. Mais cela rend la chose plus difficile cette fois à copier – pour ne pas dire impossible – par les petits bricoleurs de la profession.

Voici donc un tout nouvel ensemble cylindre culasse-piston, original, commercialisable en 175 cc mais aussi en 200 cc. Le succès est immédiat : j’en vends 1100 ensembles ( Kits ) la première année , avant même que les pièces sortent finies, de l’usine où je les fais fabriquer en région parisienne , La deuxième année, j’en vends 1300 unités, c’est un Tsunami à «Moto 92». Dans la foulée, je vais créer la XT 600 cc,( pour la 500 cc ) même succès ! ….. Et cela nous mène en 1981, ou je décide d’arrêter totalement toutes compétitions motos , afin de me consacrer à mes fabrications.

Et en 1985, je prends la décision de me séparer de mon magasin MOTO 92, trop encombrant pour moi maintenant (le personnel, le stock, les contraintes journalières, etc, etc …  J’ai envie d’autre chose et surtout, je peux me le permettre maintenant ; je ne veux pas finir mes jours derrière mon comptoir, comme je l’ai, trop souvent, vu faire par des confrères. Je ne veux pas devenir le Building de la moto en région parisienne, je laisse cela à d’autres, qui le font très bien !…

J’aime trop ma liberté, j’ai d’autres projets, maintenant j’ai les moyens d’en profiter, pourquoi m’en priver ? « …..

Fin du sympathique récit de Christian. Mais si ce type d’aventure mécanique vous a intéressé,  sachez qu’une réédition du livre résumant le parcours de Christian Rayer est envisagée. Sans doute bientôt des nouvelles de ce projet via le FB de Christian. 

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